samedi 2 juillet 2005

ricoeur

(...)

Lapsus:
Ce n'est pas facile de se souvenir, ce n'est pas à la merci... à la disposition de tout le monde!

(rappelant l'image platonicienne de l'oiseau qu'on cherche à saisir la nuit dans une volière, et l'on ne saisit pas celui qu'on souhaitait):
Le problème c'est de prendre ce que l'on possède déjà, mais qu'on ne tenait pas.


Excellente, cette conférence sur le Religieux. Voici les copieuses notes que j'ai prises, truffées de coquilles en fin de transcription, j'y reeviendrai.

La croyance religieuse (Le difficile chemin du religieux).

Il s'agira de Transformer certaine s objections et accusations faites aux croyants en difficulté intime à leur croyance même. C'est en particulier aux menaces d'intolérance et de violence qu'on s'affontera, en faisant appel aux ressources d'auto-critique que l'intelligence inhérente à cette croyance est capable de mobiliser.

La question préalable à cette discussion: Quel est le destinataire de la croyance religieuse et donc le porteur de la croyance religieuse? Autrement dit: Dans quelle région de mon existence suis-je atteint par la probtique religieuse? C'est en mon désir d'être, dans mon pouvoir d'exister que la flèche du religieux peut m'atteindre.

Dans ses travaux d'anthropologie philosophique, Ricoeur adopte une expression abrégée: "l'homme capable", sous laquelle sont rassemblées toutes les figures de la puissance / non puissance: l'ensemble de ce que je peux et la somme de ce que je ne peux pas. C'est une approche du phénomène humain en terme d'agir / praxis et de pâtir / pathos.

L'être humain comme agissant et souffrant, ce qui se décline en quatre grandes rubriques:

- pouvoir dire : capacité de parole d'un locuteur qui peut dire qqchose sur quqchose à qqu'un; discours;
- pouvoir faire: capacité d'action d'un agent incarné capable de produire ds changements dans le monde, de faire arriver des événements;
- pouvoir raconter: capacité de raconter d'un sujet historique en quête d'identité narrative
- (?): capacité d'imputation d'un sujet moral responsable des actes dont il se reconnaît être l'auteur véritable

Sous chacune de ces rubriques, il y a des incapacité, des impuissances spécifiques.

Le destinataire du message religieux est un tel être de pouvoirs et de non pouvoirs, un tel
homme capable.

Introduisons la problématique religieuse comme le fait Kant dans
La religion dans les limites de la simple raison, i.e. à partir d'une méditation sur le Mal, voie d'accès à la face négative du phénomène religieux; cela fait apparaître le religieux au coeur de la problématique de l'homme capable: en effet, le religieux répond à l'incapacité de faire par soi-même le bien. Le libre arbitre est une expérience aisée à identifier, ressentie comme une ligature intime comme de soi par soi; cette expérience que Pascal avant Kant appelle "misère de l'homme" s'articule sur tout ce qui fait de l'homme capable un être fragile et coupable.Que le phénomène religieux puisse être abordé du point de vue de la plénitude est entendu, mais ici on choisit l'abord opposé. Entrée dans le religieux par le côté ténébreux, puis ensuite redécouverte de la face de lumière.

Distinguons nettement, avec Kant, entre la disposition au Bien (définissant le fond de la condition humaine) et la propension au Mal qui régit la condition ordinaire des humains. Disposition au Bien / propension au Mal (=condition ordinaire de ce que Kant appelle les "maxi mauvaises ): aussi radical que soit le Mal, il ne sera jamais aussi originaire que sera la disposition au Bien. Disons dès maintenant que le religieux qui aura partie liée avec ce fond originaire de bonté.

Quelles sont les resssources du religieux dans la prévalence au Mal? Dans la suite de son traité, Kant propose une triple articulation du phénomène religieux: au plan des symboles, de la croyance, du vivre-ensemble (du communautarisme):

1) au plan symbolique

La culture juive et chrétienne européenne s'est structurée à partir du symbole christique, celui de l'homme agréable à Dieu qui donne sa vie pour ses amis. Ce symbole excède nos capacités d'invention: son avènement comme événement fondateur est premier.


2) le plan de la croyance


La croyance religieuse consiste dans un acte d'accueil à l'égard des prophètes qui ont annoncé la bonne nouvelle du symbole christique. Croire, c'est d'abord croire en la parole des autres qui témoignent en la faveur de la puissance de regénération du symbole christique. Ce n'est pas adhérer à des contenus dogmatiques (aussi importants soient-ils) mais faire confiance à la puissance bénéfique exercée par le symbole christique. Ici, Croire en signifie ici plus que croire que. C'est ici que s'insère la polémique vigoureuse que mène Kant contre les dogmatiques. Mais cette polémique ne doit pas dissimuler l'analyse que Kant fait du phénomène religieux

3) le plan de la communauté. Phénomène religieux est un rassemblement de caractère non politique, une entre-aide que se donnent les uns aux autres, les auditeurs et les interprètes du message contenu dans le symbole fondateur. Que l'ecclesia / l'église ne soit pas une communauté politique centrée sur le phénomène du pouvoir, de la domination, et dotée de la faculté de contraindre, c'est le point le plus délicat de la problématique religieuse. C'est aussi le moment où le ton polémique de Kant atteint son degré le plus extrême de véhémence contre la "prétraille". Kant plaide pour un dépouillement de puisssance des églises visibles, ce qui mettrait à nu la seule puissance du symbole sur l'imaginaire, de la croyance sur l'intelligence, de l'action fraternelle non violente sur la vie dans la cité. Voyons la finalité du religieux. Il a pour fonction la délivrance du fond de bonté des liens qui le tiennent captif. C'est à cette délivrance que concourent le symbole, la croyance et la communauté ecclésiale. Ainsi, la problématique religieuse peut se résumer dans la capacité extraordinaire de rendre l'homme ordinaire capable de faire le bien. C'est pourquoi l'homme capable est le destinataire du religieuxc et le porteuir de la croyance religieuse. Au sujet de l'articulation du religieux sur le moral. cela s'impose puisqu'on qualifie le religieux comme la capacité de faire le bien.

Articulation délicate: il importe de limiter avec précision les champs respectifs du religieux et du moral.
L'expérience morale se définit par le rapport primordial entre une liberté qui se pose et une règle qui s'adresse à un sujet capable d'imputation. C'est au niveau de cette articulation que se pose toute la problématique de la suite de cet exposé. L'articulation de la position d'un soi sur l'imposition d'une règle. L'expérience morale se définit ainsi comme l'auto-nomie: la jonction entre un SOI (AUTO-) et une règle (-NOMIE): la capacité effective d'agir selon une règle est le problème en suspend: être capable de faire le bien. Kant réduit la liste des mobiles moraux (impulsions à agir suivant la règle) au respect. Ajoutons la honte, l'indignation, le sublime, l'admiration, la vénération et, plus que tout, la reconnaissance de la dignité de l'homme dans son humanité commune. C'est au plan de ces mobiles que vient s'insérer la capacité de faire le bien engendrée par le religion selon la triple membrure du symbole de la croyance, de la communauté. Paul Tillich a inventé le concept de courage d'être. Il opère à la charnière du religieux et du moral, non plus au plan des contenus normatifs, mais à celui de la capacité d'agir selon le bien connu.
A ce courage d'être j'ajouterai la valeur supra-éthique de l'amour où s'exprime la surabondance du don par rapport à notre capacité d'accueil (cf. infa) Mais l'amour ne saurait see substituer à la justice : l'amour demande plus de justice, il lui demande d'être toujours plus universelle et en même temps toujours plus singulière. C'est ainsi que le religieux s'ajoute au moral en tant que courage d'être et amour. Le courage d'être atteint l'homme capable dans son intimité solitaire, l'amour dans son altérité partagée.

L'accusation d'intolérance adressée à la religion. Le témoignage historique est assurément accablant: guerres de religion, contraintes, intrusions indiscrète dans la sphère morale etc. La question est de savoir si le religieux en tant que tel contient la tentation d'une violence spécifique. C'est de violence symbolique que je veux parler à la source de la violence physique éventuelle. Une grande partie des faits de violence avérés tourne autour de la notion de sacrifice dans les religions archaïques. Le sacrifice, comme conduite et comme rite, reconduit au coeur du sacré (en tant que mise à part d'une sphère délimitée de l'existence) des conduite profanes. Or le sacrifice n'a pas disparu des formes évoluées des grandes religions historiques. Freud en a montré la persistence dans Moïse et le monothéïsme. La messe catholique, par exemple, est centrée sur l'hostie consacrée, à la fois victime et offrande. Et la liturgie confère structure et rythme à l'offrande et au partage par la communauté du corps brisé et du sang répandu. Une théologie sacrificielle circule dés le nouveau Testament où l'accent est mis sur l'aspect substitutif de la victime pascale en réponse à l'exigence punitive de rétreibution prononcée par un Dieu justicier. Certes, il existe d'autres courants d'interprétation de la mort du Christ où l'acccent est moins mis sur la rétribution sanglante que sur la pure offrande de la victime. On y reviendra. Reste que le rapport sacré-violence doit être abordé.

Suivons quelque temps l'interprétation de René Girard (La violence et le sacré, 1972, et dans Le bouc émissaire, 1981 etc.) René Girard ne se satisfait pas de l'explication en cours de l'instinct d'agressivité réputé commun à tous les vivants; il cherche - et trouve - une source proprement humaine dans la rivalité de deux désirs semblables portant sur le même objet convoité. Il appelle désir mimétique / rivalitaire ce ressort de violence qui contient en germe le meutre. Il importe de relever le caractère anthropologique de l'étude des rapports entre le désir et la haine. Dans les cas exemplaire de rivalité mimétique, on assiste au renforcement mutuel du désir possessif et de ses obstacles dans ce que les anciennes traduction de la Bible appelaient "pierre d'achoppement", que l'on appelle maintenant "scandale": plus on s'y heurte, plus l'on a envie de s'y meurtir. Pour sortir de cette impasse, des sociétés auraient inventé la réconciliation au dépent d'un tiers: la scène réelle - et non simplement métaphorique - d'une expulsion victimaire collective sur le modèle du bouc émissaire.

Sur cettte base, Girard construit une théorie complexe partant de l'occultation et donc de la méconnaissance de ce processus à l'oeuvre dans les religions et les régimes politiques au moyen d'institutions proprement sacrificielles dans leur fond. L'illusion et le mensonge consistent en la divinisation de la victime ainsi soumise à l'expulsion sanglante afin d'apaiser la rivalité mimétique. La violence de tous contre un, telle serait la formule du bouc émissaire. Le camouflage de ce processus meutrier imposerait alors la tâche de désocculter les représentations où s'exerce la méconnaissance, donc la tâche d'une Révélation au sens propre de "déchiffrement".

Or selon Girard, cette conquète sur la surdité de l'histoire peut et doit prendre appui sur la seule exception, à son avis, à ce religieux violent, à savoir la proclamation évangélique de la vicitme pure qui, malgré les apparences auxquelles les Chrétiens eux-mêmes se sont trompé , n'est pas le produit du lynchage, mais l'expression de la pure offrande de soi.

Tout se joue dès lors sur la différence entre la passion du Christ et le lynchage religieux. Girard reproche au christianisme historique (exception faite de St Jean) de ne pas distinguer entre la divinisation de la victime coupable (comme dans les autres religions) et la glorification des persécuteurs réputés innocents. Girard interprète Pâques comme la proclamation d'innocence qui dissipe l'illusion collective de la victime coupable. C'est ce que Girard appelle la Résurrection. c'est là ce que les croyants croient.

La dénonciation du mythe sacrificielle est certes dépendante de la croyance des disciples selon laquelle le Christ est bien l'envoyé de Dieu; mais l'opération de désoccultation est devenue un phénomène culturel de grande amplitude centré sur l'innoncence de la victime. Ce sens est retrouvé par la modernité au plan de la dénonciation croissante de la violence collective. Girard: "Cette signification moderne présuppose ce que j'appelle la révolution anthropologique du christianisme". Le christianisme peut décliner en tant que pratique religieuse, sa fonction anthropologique de révélation de l'innocence de la victime injustement sacrifiée demeure inébranlable. Elle ne peut même que s'amplifier dans l ligne de la substitution de la figure de l'agneau de Dieu à celle du bouc émissaire.

Je veux dire maintenant pourquoi la conception de Girard ne me suffit pas. Je reprends sur ce point le fil de ma première poartie, très kantienne, sur le thème de la libération du fond de bonté originaire. En effet, la thèse de Girard s'articule fort bien sur la question des obstacles mis à l'entreprise de libération de la bonté, à savoir précisément, la rivalité identitaire qui ouvre le cycle de la violence, déclenche le lynchage, lance le processus de réconciliation aux dépends de la victime sacrificielle, pour s'achever dans la divinisation de la victime et la disculpation des agressseurs.

La théorie est forte, mais il y a un chaînon manquant concernant l'objet spécifique de la rivalité mimétique. Sur quoi y a t-il rivalité mimétique dans le religieux. Girard est peut être trop scientifique dans sa perspective anthropologique. A la limite, n'importe quel objet désirable peut être l'objet d'une volonté mimétique, tout peut devenir pierre d'achoppement. La suggestion de Ricoeur est que la source créatrice du processus de libération de la bonté de la façon que kant a dit (i.e. par le truchement des grands symboles fondateurs, des traditions de croyances, et des médiations communautaires de nature ecclésiale), la source originaire de ce puissant soulèvement de bienveillance peut être en tant que telle objet de rivalité mimétique, de scandale, de lynchage, de réconciliation de tous contre un, de divinisation de la victime coupable et d'exonération des violents. C'est de cette façon que je vois la violence s'emparant de la source même de la vie.

Ce n'est pas facile à saisir. D'un côté, il faut donner au shème girardien un poids d'application qui soit déjà religieux par sa nature (et non un scandale quelconque); mais il faut aussi donner à la conception kantienne de la Religion dans les limites de la simple raison un prolongement permettant de désigner la source créatrice du processus de libération de la bonté. Cela ne peut se faire en restant dans les limites de la simple raison, mais en franchissant les bornes assignées à la raison théorique et pratique par Kant, et cela sur la ligne ouverte par les philosophes post-kantiens Fichte et surtout Schelling. C'est ce geste de transgression des limites de l'entendement qui donne la possibilité de dire quelque chose sur l'objet proprement religieux de la violence mimétique et donc de la violence du religieux, à savoir: la prétention à s'accaparer la source, à se l'approprier dans la rivalité avec les autres bénéficiaires de la générosité fondamentale de la source. Cf. le thème puissant du fond sans fond dans la philosophie de la religion de Schelling, le grund qui est Abgrund, du fondamental qui est abymé.

Je me dis ceci: ce fond insondable, n'est-ce p as la source même de vie que tous reçoive mais que nul ne peut enclore. Et pourquoi y a-t-il rivalité mimétique sinon parce que le religieux n'existe nulle part dans sa nudité innocente, dans son universalité indivise. Et s'il n'existe nulle part dans sa totalité immaculée, c'est parce que les religions sont comme les langues, les cultures, les sociétés politiques, à savoir sopumises à la loi inexorable de la pluralité, de la dispersion, et de la coonfusion, comme il est diut des langues dans le mythe hébraïque de Babel, oui, la Babel des religions. Signifiante, vivifiante chaque fois pour chaque communauté religieuse, la source de vie l'est assurément c'est la véirtié d'une religion. Mais la captation jalouse de la source reste le phénomène inquiétant historiquement attesté. Les guerres de religion ont là leur origine. La fragmentation radicale, radicale comme on a dite du Mal qu'il était radical, mais pas originaire, c'est la le donné même de l'hisoire, Girard dirait : "le fait anthropologique prmeier". Le religieux n'existe jamais que dans des religions. Et les religions sous l'emprise du Mal radical dont nul ne connaît l'origine sont les unes envers les autres dans une rapport de rivalité mimétique ayant pour objet la source de viue indivise dans son jet, divisée dans ses rteceptacles.

J'illustrerai par une métaphore cette idée du fond sans fond qui n'émerge à la surface de l'histoire que dans la pluralité compétitive des religions perverties en violence effective. La métaphore est celle de la source et du réceptacle. La source déborde, mais le vase voudrait la capter toute, l'enfermer. cette captation demande que soient renforcées les parois de l'espace d'accueil. Ici commence la violence. On voudra clôturer sur les côtés, faute de pouvoir obturer vers le haut. Cette dialectique du trop-plein et de la finitude de l'espace d'accueil est vécu à l'échelle communautaire, comme le rappelait Kant, en coordonnant les trois moments du symbole fondateur, de l'adhésion de croyance, et de la médiation communautaire. La comunauté ne pouvant otut contenir s'emploira à exclure, pire, elle forcera d'enter selon un mot de St Augustin. Exclusion, inclusion forcée, c'est la même chose. Renforcer les murailles, c'est contenir par force et expulser. Les figures de la rivalités mimétiques sont innombrables.

La métaphore se laissee bien interpréter dans le langage de la capacité: il y a à l'égard de la source de vie une capacité finie de réception et d'accueil; c'est cette capacité que figure le réceptacle aux cloisons que la peur et la haine renforcent. C'est cette capacité finie qui est mise à l'épreuve de toute expérience religieuse de quelque confession qu'il s'agisse. Cf. aussi l'idée de tonalité pascalienne de disproportion. Le fondamental, fond sans fond est en excès par rapport à nos capacités finies d'accueil; c'est dans cet excès - йззудщты6ду l' "excès du fondamental" - que la violence va se glisser sur le modèle girardien de la rivalité mimétique.

Autre équivalence métaphorique de la disproportion, celle de la surabondance comm edans la proposition de l'apôtre Paul: "La où le péché abonde, la grâce surabonde". Je retrouve cette idée de surabondeance dans le rapport entre l'amour qui ne compte pas et la justice qui s'exprime dans la juste mesure.

Examinons les conséquences de l'hyptothèse de travail.

1) Il faut renoncer au reve d'une super-rligion. Certes l'idée d'une source de vie qui se fragmente suivant la capacité de réception des vases, évoque bien un sentiment religieuix également fondamental. Accordons même qu'il existe un ou des sentiments religieux aisément transposables ou communicables d'une religion à l'autre. Ainsi le sentiment de dépendance absolu dont parle Schleiermacher, que j'interprète comme la précédence de la parole à toute parole articulée en discours, mais aussi comme l'antériorité d'une énergie créatrice à mon désir. Je parle volontiers, comme P. Tillich, d'une confiance inconditionnelle en dépit de tout démenti du malheur ("Ah, que la vie est belle"), d'un engagement sans restriction en dépit de tout hésitation et de tout doute. Cf. aussi les expressions émotionnelles les plus vives: ladmiration pour la création, l'aspiration aux dons les pklus hauts.. Oui , il y a un sentiment religieux - DES sentiments religieux - à la racine de "l'optatif du bonheur". Il est le point brillant de la face lumineuse du religieux que Kant assimile trop volontiers à la folie religieuse, la Shwärmerei ; c'est la donation qui précède toute captation, la transformation en mencace. Mais la folie est l'indice suprême de beauté du religieux.

Cela acccordé et revendiqué, reste le caractère inappropriable de la sourtce de vie au plan du langage et de l'action. Le vocable schellingien du fond sans fond n'instaure pas une religion déterminée. Selon la triple articulation du symbole fondmental, de la croyance intellectuelle et de la médiation communautaire. A cet égard, l'idée de fond sans fond , de fond en abyme, reste pour l'entendement une idée limite. Et les sentiments eux-mêmes relatif au fondamental n'ont pas laissé de prendre forme dans un cadre de haute culture pour s'y articuler chaque fois différemment dans une "symbolique du bien". Il faut en accepter le verdict: les formes du religieux partagent l'état de dispersion et de confusion des langues et des cultures comme il est dit dans le mythe de Babel. Cette conséquence est l'aveu le plus honnète de l'épreuve de véracité dans le champ de la croyance religieuse. Il est alors tentant d'éluder, et de contourner cet aveu en cherchant dans la sociologie des religions le substitut d'un religieux intégral que le mythe de Babel inviterait à représenter comme un paradis perdu qui n'a jamais existé au plan de l'histoire.

La sociologie des religions voudrait proposer un tableau des religions où toute seraient parcourues du regard et porté au rang d'objet d'observation comme sur des planches d'anthomologie. Il faut dire alors que chacune est annulée en tant qu'engagement personnel et au triple plan considéré en philo de la religion: plan de l'imaginaire symbol, de la croyance intellectuelle, de la pratique communautaire

2) A l'aveu de véracité fait suite un aveu de peplexité. A l'idée de vérité universelle se substituerait l'idée de relativisme radical? Oui et non.
Oui si l'on renonce, comme on le propose ici, à l'idée d'un point de vue absolu, d'un regard de surplomb qui nous est refusé.
Non si on attache à la profession de relativisme celle d'une perspectivisme mobile en vertu duquel je pourrais indifféremment adopter un point de vue religieux ou l'autre.
A l'encontre de ce nomadisme inter-religieux, je soutiens que c'est toujours de quelque part, d'un point d'ancrage, qu'on aperçoit, qu'on entrevoit, qu'on approche en imaginiation et sympathie les conceptions étrangères, dans un mouvement de transfert de proche en proche porté aussi loin que ce mouvement de transgression de mes propres barrières le permet. Cette progresion latérale, de proche en proche, constitue le contraire exact d'une vision de surplomb prétendant embrasser la totalité du champ religieux. Au reste, les plus solides études de socio de la religion se contonnent à une étude spécialisée de telle ou telle religion au risque de n'avoir plus de critère du religieux comme tel. Cette approche scientifique est à la foi la plus modeste et la plus honnète. Mais elle laisse intacte la question de la vérité existentielle - pour chacun et la communauté - de la religion.

Si les ensembles religieux peuvent être comparés à des ensembles linguistiques et culturels (cf. Babel), ne pouvons nous pas invoquer le seul remède connu à la dispercion des langues à savoir la traduction? Le point d'ancrage évoqué plus haut ne rappelle-t-il pas le rapport que nous avons entre notre langue maternelle et les langues étrangères. Là non plus il n'y a pas de langue universelle, néanmoins tout homme paraît capable d'apprendre, outre sa langue, celle d'un pays lointain ou voisin. N'est-ce pas à quelque chose de semblable à cette hospitalité langagière que se conforme la compréhension de proche en proche des croyances religieuses dites étrangères et en général des convictions de toutes sortes dont l'exploration de la croyance religieuses ne constitue qu'un chapitre.

Ultime conséquence (pratique, plus asssurée que les précédente). Au sujet de l'usage quotidien de la tolérnce. La voie de latolérance peut être vue comme une initiation progressive, comme une asciencion ardue.

- Le degré zéro de la tolérance, c'est la tolérance de l'intolérant: je voudrais empêcher, mais je n'en ai pas le pouvoir. On retrouve la violence rivalitaire.

- Second degré: je garde la conviction que c'est moi qui détiens la vérité, mais je vous reconnais par complaisance le droit de professer ce qu je tiens pour faux, au nom du principe de justice: vous avez un droit égal au mien de professer ce que vous croyez. Je reconnais le droit à l'erreur. je suis alors déchiré entre la vérité, que je crois détenir unilatéralement, et le principe de justice. Les principes de vé"rité et de justice sont en balance, et la justice tranche sur la vérité.

- Degré suivant: Mon adversaire a peut-être lui aussi une part de vérité, mais je ne sais pas laquelle.C'est là la version perspectiviste de la tolérance: l'autre voit un côté des chose que je ne peux pas voir, car nos positions sont insubstitutables. Il en va commmme dans ce jardin du bouddhisme zen de Kyoto: 15 pierres osnt posées sur un océan de sable, mais il n'est pas d'angle sous lequel je puisse les embrasser toutes d'un même regard. Il s'agit à ce stade d'une crise de l'idée de vérité , déchirée en elle-même. J'ai dépassé celui du simple conflit entre vérité et justice, je suis entré dans le conflit de la vérité avec elle-même.

- Degré supérieur où pourrait se surmonter la violence: au creux même de ma propre confession, je reconnais qu'il y a un fond que je ne maîtrise ni par le langage, ni par l'émotion, ni par l'action. Je discerne, dans le fond de mon adhésion, une source d'inspiration qui, par son exigence de pensée, sa force de mobilisation pratique, sa générosité emotionnelle excède ma capacité d'accueil et de compréhension. Mais alors, la tolérance arrivée à ce sommet, risque de basculer de l'autre côté de la pente, dans le septicisme: toutes les croyances ne se valent-elles pas? Les différences ne deviennent-elles pas indifférentes? La difficulté est alors de ce tenir sur la ligne de crête où ma conviction est à la fois ancrée dans son sol comme dans sa langue maternelle, mais ouverte latéralement sur les autres croyances, les autres convictions, comme dans le cas des langues étrangères. Il n'est pas facile de se tenir sur cette ligne de crête. Merci.

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