dimanche 28 mars 2010

nommer et être nommée

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Husserl, Ideen I, S. 311:

[Die] Transzendenz [des bestimmten Dinges] drückt sich in jenen Grenzenlosigkeiten im Fortgang der Anschauungen von ihm aus.

Ricoeur a traduit (Idées..., p. 501):
"[La] transcendance [de la chose individuellement déterminée] a pour expression cette possibilité d'un développement illimité des intuitions qu'on a d'elle."

Michel Bitbol (De l'intérieur du monde..., Paris, 2010, p. 183, note 2) a interprété la traduction de Ricoeur:
La transcendance de la chose est le nom que nous donnons à la "possibilité d'un développement illimité des intuitions qu'on a d'elle".

Opération apparemment sans douleur. Pour la transcendance, en tout cas.
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dimanche 23 novembre 2008

Un petit dialogue informatique avec une très symathique correspondante (Mme Regine B.)

Mme RB.  Lorsque j'étais étudiante ( fin des années 60, début 70), une option de linguistique   était 
obligatoire pour l'obtention de la licence : nous avions le choix entre un certificat de philologie allemande ( terme peut-être vieilli actuellement) ou de linguistique générale, discipline pour laquelle j'avais opté. Pendant une année,  j'avais donc  eu la possibilité de suivre une sorte d'introduction à cette discipline , le temps de voir en grandes lignes ce que représentaient Saussure, Martinet .. jusqu'à Chomsky. 
Nous étions alors très peu nombreux à choisir cet enseignement.
Comment expliquez-vous que quelques 40 années plus tard, nous en soyons presque au même point? Elle reste toujours très peu enseignée : lorsque je consulte les programmes des licences de Lettres Modernes, classiques ou de LVE ( langues vivantes étrangères), je constate que ce n'est toujours pas obligatoire et m'aperçois que nombre de jeunes collègues qui sortent de la fac où ils se sont occupés de langues n'en ont même aucune notion. 

Ma tentative de réponse.
(réponse trop bavarde, je coupe le préambule trop convenu sur la fin de la linguistique comme science phare des humanités, désormais opposées aux nouvelles SHS etc. Ma correspondante aura passé cela très vite, j'espère).

Je partage apparemment votre constat, et pourrais même surenchérir: la phonologie (Rolls-Royce de la pensée 
structuraliste) n'aura pas eu le temps d'être intégrée dans la pensée collective, commence à peine à entrer dans les manuels de langue grand public... alors que les linguistes sont déjà en train de la remettre en question. Les grandes découvertes linguistiques de la décennie écoulée se passent fort bien de l'hypothèse d'une phonologie séparée de la grammaire (de la morphologie). Or elles son absolument révolutionnaires, en tout cas m'ont personnellement bouleversé,  car elles remettent en question tout ce que je croyais acquis dur comme fer il y a vingt ans. Savez-vous qu'on explique désormais la morphologie du verbe arabe en suivant un "cycle des voyelles" retrouvés dans d'autres langues du monde? Et ça marche! C'est jusqu'aux fondements du 
saussurisme qui sont atteints, et tout le relativisme issu de la tradition critique du 20eme siècle qui est en train de tourner vinaigre.

Mais d'un autre côté.... peut-être ne suis-je pas entièrement d'accord avec vous. Admettons donc que le phonème retourne dans les cartons au même titre que les transformations de la grammaire générative, demeureront les notions de "pertinence", "valeur", "commutation" etc. De même que la très jeune notion de "problématique" (qui nous vient de Bachelard et Althusser)... Il en irait donc de la linguistique comme de la philosophie, de la logique ou des études littéraires - et au contraire de la chimie, de la physique et des mathématiques: en matière de linguistique (de philo etc.), seules les notions très générales accèderaient à la conscience collective. Peut-être n'est-ce pas si mal? Peut-être que tout le reste n'est qu'un outillage clinquant destiné à mourir quelques décennies après son invention? (Voyez combien l'historien Pierre Nora est malheureux de voir répéter à l'envi son expression "lieu de mémoire": tout se passe comme s'il s'agissait d'une notion
indûment échappée du laboratoire où elle aurait dû demeurer!)

Ce que vous et moi sommes enclins à considérer comme un retard, si ce n'était en réalité que le véritable mode de diffusion des grandes découvertes concernant l'humain? Il y aurait donc un sens à distinguer sciences dures vs. molles (=humaines): les premières sont contondantes, pénètrent prestement dans le tissu social. Les secondes sont diffuses, dans un rapport ambivalent (foncièrement non instrumental) à la société où elles apparaissent. Faites de choses bizarres, ésotériques (des "DA-Sein", des "Règle de montée du sujet", des "stades du miroir" et autres passionnantes mais obscures fadaises qui sont le quotidien de petites collectivités de spécialistes), et faites de choses énormes, de concepts-phares qui finissent toujours par s'installer et devenir des faits sociaux: le jugement, le paradigme, l'inconscient, etc.

А может все наоборот?

dimanche 16 novembre 2008

Silences (Jean Daviot)

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http://www.daviot.net/presse/ecran.php?id=24
Dans la série Silences, j'ai travaillé sur les signes de mains qui prolongent la parole, les mains se placent dans des positions parfois étranges pour exprimer une action. La position des lettres induit aussi un sens : l'écriture hébraïque est suspendue, à la différence de l'écriture grecque qui est posée sur la ligne, la suspension permet à la lettre de tourner sur le fil comme l'acrobate sur le trapèze. Mais aussi de chuter par exemple dans le mot : « mémoire » si les lettres « m, è, r, e » chutent, il reste « m, o, i ». En hébreux la lettre tient comme une porte sur une charnière, elle n'est pas portée par le trait et peut donc ouvrir cet inter-dit, l'espace entre le dire.
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il confond l'hébreu et le dévanagari?
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samedi 15 novembre 2008

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Ce fabuleux Gonseth:

Jusqu'à un certain point, un schéma est assimilable à un portrait. On ne s'étonnera pas d'entendre dire de certains peintres qu'il font de l'authentique, bien que recréant une réalité conforme à leur «manière». Cette comparaison fait incliner déjà la signification du mot «authentique» dans le sens que nous entendons. Elle ne va cependant pas encore assez loin. Qui dit portrait dit aussi modèle. Antérieurement à la réalité qu'il a su authentiquement rendre dans son tableau, le peintre a rencontré la réalité de son modèle; celle-ci est primaire par rapport à la réalité inscrite dans le portrait. Modèle et portrait sont ici dans un rapport qui rappelle celui (que nous disions trop simple) d'une réalité pré-donnée et de son schéma. Pour nous rapprocher de la situation que nous avons en vue, il faudrait imaginer que le portrait est le moyen même de la connaissance de la personne, que c'est par le portrait que la réalité de celle-ci nous est donnée, que c'est par l'exécution du portrait que cette réalité se constitue pour nous, qu'il n'y a pas, en un mot, de réalité qui nous soit donnée antérieurement au portrait, ou tout au plus de façon plus vague et plus indéterminée.

C'est dans cette situation que le schéma revêt son rôle le plus significatif : il n'est alors ni antérieur ni postérieur à la connaissance de la signification extérieure; il est l'un des éléments constitutifs de cette connaissance. La constitution du schéma est le moyen par lequel la réalité qu'il saisit prend pour nous sa structure. Schéma et signification extérieure ne sont alors séparables que par le jeu de deux intentions opposées : celle de nous affirmer en face des choses et celle d'affirmer les choses en face de nous.

(...)

Pour décrire la façon dont est donnée la signification extérieure d'un schéma, nous pourrons dire maintenant que celle-ci doit être conçue non comme une réalité en soi, mais comme un horizon de réalité, que la connaissance que nous en possédons n'est pas une saisie définitive, mais un horizon de connaissance.

Avons-nous ainsi caractérisé le rapport de la carte à la forêt et plus généralement d'un schéma à sa signification extérieure ? Pas encore entièrement. Reprenons, avec l'aide des locutions qui viennent d'être introduites, les questions que nous examinions il y a un instant. Faut-il penser que le schéma ne représente qu'une version simplifiée d'un horizon de réalité donné d'avance ? Que l'abstraction schématisante ne prend place que dans un horizon de réalité déjà constitué, déjà construit ?

Il peut arriver qu'il en soit ainsi. C'est en particulier le cas de la carte de notre fable. Mais l'idée de schéma dont nous aurons à nous servir ne comporte pas nécessairement cette exigence restrictive. Rien, nous l'avons reconnu, ne nous autorise à poser en règle qu'un schéma et l'horizon de sa signification extérieure ne puissent jamais s'édifier simultanément dans une interdépendance réciproque. Si nous voulons tenir compte objectivement des démarches dont l'esprit humain est capable, la prudence conseille d'admettre le contraire – et les confirmations ne nous manqueront pas.

La règle (et c'est en même temps le cas qui mérite l'attention) c'est que la constitution et l'interprétation d'un schéma (ou, si l'on préfère, sa conception et sa mise en oeuvre) sont les moyens mêmes par lesquels un horizon de connaissance se définit.

Extrait de la Géométrie et le problème de l'espace, chapitre IV : La synthèse dialectique, Editions du Griffon, Neuchâtel (1945-1955), en ligne. (les caractères gras sont les miens).
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dimanche 20 janvier 2008

extrait de la "Parole efficace"

d'Irène Rosier-Catach (Seuil, coll. "Des travaux", 2004)

(...) baptême de frères siamois: le prêtre doit-il encore dire dans ce cas "je te baptise" sans savoir s'ils ont une âme ou deux? Ou celui réalisé simultanément par deux prêtres dont l'un serait manchot et l'autre muet. Ou encore ces exemples incroyables d'erreurs de prononciation: "Ceci est mon corps fantastique" ou "mon corps d'airain", "Ceci est mon corps, celui de Robert", ou encore "Je te baptise au nom du Père - va chercher du vin -, et du Fils, et du Saint-Esprit" (p. 24-25)

Exemples réels de points en discussion, en dispute, comme cette fameuse histoire de bure consacrée: à partir de quel degré d'usure et de rapiéçage doit-elle à nouveau être consacrée, à supposer qu'elle le doive? Un officier du culte bègue ou un Président de la République "people" remettent-ils en question l'existence du corps sacré de la Nation?

La métaphysique paraît s'ancrer dans l'observation de ces broutilles du quotidien: s'y font jour les coutures du Grand-Tout, les grippages de la mécanique universelle. Vertigineusement.

samedi 18 août 2007

lumineux Foucault

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Après la lecture de la Pensée du dehors, ce fameux texte hypnotisant de Michel Foucault. Vous avez sans doute noté, vous aussi, la cascade de verbes renvoyant à des sensations visuelles: éclater, scintiller, éblouir, briller. Sur le crâne glabre de Michel Foucault se reflète la figure évanescente de Maurice Blanchot.
Blague à part, juste ce jeu de mot qui trotte dans la tête:
[L'expérience du "dehors" se retrouve] "...chez Mallarmé quand le langage apparaît comme un congé donné à ce qu'il nomme..." (P. 18-19 de l'unique, semble-t-il, édition de ce texte: Editions Fata morgana).
=============> CE QU'IL N'HOMME!
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samedi 7 juillet 2007

du contrat au don (humour québécois)

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Petite fable inventée par Jacques T. Godbout, Ce qui circule entre nous. Paris: Seuil, 2007: 112.

Supposons un homme et une femme qui font un pari. Si je gagne le pari, dit l'homme, nous faisons l'amour. Si c'est toi qui gagnes, je t'offre une bouteille de champagne. Marché conclut, c'est un contrat. L'homme gagne le pari. Il donne rendez-vous à la dame, mais il se présente avec une bouteille de champagne... Elle est ravie et "se donne" à lui.

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dimanche 4 mars 2007

Ricœur sans cœur

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Une amie m’interroge sur une pseudo-citation de Benveniste trouvée quelque part :

« Le discours consiste en ceci que quelqu'un dit quelque chose a quelqu'un sur quelque chose selon des règles ».

Benveniste a-t-il vraiment dit cela ?

La phrase provient de Paul RICŒUR, "La mémoire, l'histoire, l'oubli", Paris: le Seuil, 2000: 228-229. Citation, entrecoupées de remarques de lecteur entre "//"

"Qu'il soit traité en suspect ou en hôte bienvenu après une longue absence, c'est à titre de référent ultime que l'événement peut figurer dans le discours historique. La question à laquelle il répond est celle-ci:

/l'événement figure donc dans le discours historique comme "réponse"/

de quoi parle-t-on lorsque l'on dit que quelque chose est arrivé?' Non seulement je ne récuse pas ce statut de référent, mais je plaide inlassablement en sa faveur tout au long de l'ouvrage.

Et c'est pour préserver ce statut de vis-à-vis du discours historique que je distingue le fait fait en tant que 'la chose dite', le quoi du discours historique, de l'événement en tant que 'la chose dont on parle', le 'au sujet de quoi' est le discours historique.


/phrase si contournée qu'on peine à comprendre: je pense que le "quoi" du dernier "au sujet de quoi" est anaphorique: il faut donc comprendre que le discours historique EST le (pourquoi pas 'un') 'au sujet de l'événement'; l'événement ressortit donc bien à la référence/

À cet égard, l'assertion d'un fait historique marque la distance entre le dit (la chose dite) et la visée référentielle qui selon l'expression de Benveniste reverse le discours au monde. Le monde, dans l'histoire, c'est la vie des hommes du passé telle qu'elle fut. C'est de cela qu'il s'agit. Et la première chose que l'on en dit, c'est que cela est arrivé. Tel qu'on le dit? C'est toute la question" (...)

"Pour ma part, je pense honorer l'événement en le tenant pour le vis-à-vis effectif du témoignage en tant que catégorie première de la mémoire archivée. Quelque spécification que l'on puisse apporter ou imposer ultérieurement à l'événement, principalement avec les notions de structure et de conjoncture, plaçant l'événement dans une position tierce par rapport à d'autres notions connexes, l'événement, en son sens le plus primitif, est cela au sujet de quoi quelqu'un témoigne. Il est l'emblème de toutes les choses passées (preterita). Mais le dit du dire du témoignage est un fait, le fait que... Précisons: le "que" apposé à l'assertion du fait tient en réserve la visée intentionnelle qui sera thématisée en fin de parcours épistémologique sous le signe de la représentance. Seule une sémiotique inappropriée au discours historique entretient le déni du référent au profit du couple exclusif consitué par le signifiant (narratif, rhétorique, imaginatif) et le signifié (l'énoncé du fait). A la conception binaire du signe héritée d'une linguistique saussurrienne, peut-être déjà mutilée, j'oppose la conception triadique du signifiant, du signifié et du référent. J'ai proposé ailleurs une formule empruntée à Benveniste selon laquelle LE DISCOURS CONSISTE EN CECI QUE QUELQU'UN DIT QUELQUE CHOSE A QUELQU'UN SUR QUELQUE CHOSE SELON DES REGLES*. Dans ce schéma, le référent est le symétrique du locuteur, à savoir l'historien et, avant lui, le témoin présent de son propre témoignage. »

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* E. Benveniste, Problèmes de linguistique générale", Paris: Gallimard, coll. "Diogène", 1966.

Scandale de ces renvois bibliographiques qui n'en sont pas... Il faut donc rechercher la bonne référence dans je ne sais trop lequel des trois tomes de Temps et récit!

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mercredi 3 janvier 2007

Marc FLEURBAEY

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Capitalisme ou démocratie? L'alternative du XXIe siècle
. Paris: Bernard Grasset (coll. "Nouveau collège de philosophie"), 217 p.
ISBN 2 246 69521 X

Le texte de Crépon résumé plus bas amenait à s'interroger sur l'égalité. Fleurbaey, spécialiste de l'aspect économique de la redistribution des biens, propose une réflexion très intéressante sur l'égalité et l'équité (laquelle peut fort bien justifier des politiques inégalitaires).

Ce livre paraît mal intitulé: l'alternative n'est pas - sauf mécompréhension de ma part - celle qui est indiquée! Il y a une tentative de redonner un sens au vocable "démocratie", ainsi qu'une argumentation rapide mais intéressante contre le travail salarié tel qu'il existe.

Bizarrement, André Gorz n'est pas cité. Il faudra interviewer Fleurbaey sur la question.
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mercredi 16 août 2006

du phénomène politique

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Le passage suivant m'avait paru lumineux il y a deux mois, et j'ai cette même impression en le retrouvant à présent:

"Désespérant de l'histoire, je me mis à songer à l'étrange condition où nous sommes presque tous, simples particuliers de bonne foi et de bonne volonté, qui nous trouvons engagés dès la naissance dans un drame politico-historique inextricable. Nul d'entre nous ne peut intégrer, reconstituer la nécessité de l'univers politique où il se trouve, au moyen de ce qu'il peut observer dans sa sphère d'expérience. Les plus instruits, les mieux placés peuvent même se dire, en évoquant ce qu'ils savent, en le comparant à ce qu'ils voient, que ce savoir ne fait qu'obscurcir le problème politique immédiat qui consiste après tout dans la détermination des rapports d'un homme avec la masse des hommes qu'il ne connaît pas. Quelqu'un de sincère avec soi-même et qui répugne à spéculer sur des objets qui ne se raccordent pas rationnellement à sa propre expérience, à peine ouvre-t-il son journal, le voici qui pénètre dans un monde métaphysique désordonné. Ce qu'il lit, ce qu'il entend excède étrangement ce qu'il constate ou pourrait constater. S'il se résume son impression : Point de politique sans mythes, pense-t-il..."
Paul Valéry, Regards sur le monde actuel, Paris, Librairie Stock 1931

Mais la recherche "phénoménologie de la politique" ne donne rien de substantiel sur Google. Est-ce un non-sens?
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jeudi 30 mars 2006

"cinémologues" ou "cinémographes"?

Une revue en ligne de critique cinématographique: Cadrage.net

Tombé dessus en cherchant des lectures sur le film d'Agnès Varda "Les glaneurs et la glaneuse".

mercredi 22 mars 2006

Premiers de cordée

1) Vincent Carraud, Causa sive ratio (La raison de la cause, de Suarez à Leibniz), Epithémée, PUF (la monographie de son dossier d’habilitation), Avant-propos :
« (…) A bien des moments, cette recherche m’est apparue comparable à une longue course en montagne. De cette montagne qu’est la métaphysique à l’époque moderne ; la face que j’ai prétendu gravir – la causalité- était sous les yeux de tous. (…) Les notes de Gilson ont été pour moi comme les anciens pitons, encore solides et fiables et qui, judicieusement plantés, indiquaient les passages obligés et facilitaient mon itinéraire. (…) Plusieurs compagnons de cordée ont rendu cette course non seulement agréable, mais même tout simplement possible ; sans leur assurance, la progression eût été compromise, longueur après longueur (…) » (pp.5-6)

2) Un député (Le Monde, Jeudi 23 mars 2006, au sujet de maintien du Contrat Première Embauche par le Premier Ministre Villepin contre vents et marées) :
« On ne se cassera pas la figure avec Villepin. On décrochera le mousqueton avant »

lundi 30 janvier 2006

La chaussette de Heidegger

« Une chaussette reprisée plutôt qu'une chaussette déchirée ; il n'en va pas de même de la conscience de soi [Selbstbewußtsein] » Hegel, Écrits d'Iéna, fragment n°65

Heidegger inverse la phrase en feignant d'y voir une erreur de transcription : « Mieux vaut une chaussette déchirée [zerreißen] qu'une chaussette reprisée] ».

« Soit une chaussette déchirée : ce qui n'est plus là, c'est la chaussette, mais attention, non pas comme chaussette. En effet, la chaussette en bon état, si je l'ai à mon pied, précisément je ne la vise pas comme chausssette. Alors que si elle vient à être déchirée, voilà que la chaussette transparaît avec plus de force à travers la chaussette en morceaux. Autrement dit ce qui manque dans la chaussette déchirée, c'est l'unité de la chaussette. Ce manque paradoxalement est positif au plus haut point, car cette unité de la déchirure est présente en tant qu'unité perdue. »

C'est lorsque l'unité d'une chose se dérobe, c'est-à-dire quand elle éclate et en réalité elle sert de son ordinaire, de son contexte, qu'on commence à voir les choses comme elles sont — quand elles cessent d'être utiles. Repriser la chaussette, c'est supprimer la possibilité de cette vision et sortir du champ visuel l'unité même de la chaussette, pour remettre en fonction son usage ordinaire. « La scission [Entzweiung] est la source du besoin de la philosophie. » (Hegel).

Tous les essais pour supprimer la Zerrißenheit doivent être abandonnés, en tant qu'elle est ce qui demeure au fond, et ce qui doit demeurer. « Ainsi c'est seulement dans la Zerrißenheit que peut apparaître, comme absente, l'unité. » Si pour Hegel, la Zerrißenheit fait basculer la chaussette dans le non-être, pour Heidegger, c'est ce qui la fait naître à elle-même.

Source : Cours de Martin de Courcel, prof de philo en khâgne au lycée Henri-IV

vendredi 27 janvier 2006

Jacques Rivette, le chaudronnier et le chaudron

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« Le travail est toujours plus intéressant à montrer que le résultat. Un chaudronnier dans un film de Rouquier, je peux le regarder trois heures. Un chaudron, même si c'est le plus beau du monde, j'en ai fait le tour en trois minutes. »

(Jacques Rivette, Libération, 10 février 1989, entretien avec Louis Skorecki)

http://site.voila.fr/cineclub/realisat/rivette/bandedesquatre.htm


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mardi 3 janvier 2006

la tolérance

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Sur le site de Bernard Stiegler Arsindustrialis.org: un article stimulant de Marc Crépon sur la tolérance.

Elle implique une valeur limite (un "seuil"), une hiérarchie (un protagoniste indulgent faisant de l'utre son obligé), une inaction où peuvent couver toutes les haines et rssentiments.

"C’est ainsi que l’ordre de la tolérance appelle l’ordre de la reconnaissance, comme cela même qui la dépasse et ouvre la possibilité du dialogue."

Trois "reconaissances"
a) la reconnaissance du "besoin d’appartenance"
Que l'on "me" reconnaisse que j’ai un besoin vital de "nous", quand bien même je ne veux plus ou ne parviens plus à me reconnaître en lui, pour être un "je" (appartenir à ne signifie pas abonder avec).

"il n’y a pas de dialogue possible si, dans la façon qu’a l’autre de manifester en face de moi son appartenance, je ne reconnais pas la satisfaction d’un besoin que je partage avec lui et qui donne à sa culture (à sa langue, à ses croyances, à ses fêtes, à sa façon de se vêtir et de se nourrir, à ses repères) la même signification existentielle que je reconnais à ma propre culture (mes propres repères)."

вирус: L'assimilation n'est donc pas un mode d'accès au dialogue.

Autrement dit: reconnaîre à autrui son droit d'être pareil à moi sans cesser d'être autrui.
Cela va plus loin que ce que je pensais jusqu'alors: reconnaître à autrui son droit d'être un autre. Il manquait le retour au même! Se profile une reconstruction de la notion d'égalité?

b) Reconnaissance des besoins de la communeauté

De fait, il ne saurait y avoir de dialogue, soucieux et respectueux des différences culturelles, si les individus ne se voient pas reconnu un droit égal à manifester leur appartenance, en accèdant à ce que Will Kymlicka appelle une " culture sociétale ".

Je dis de ces cultures qu’elles sont " sociétales " pour souligner qu’elles ne renvoient pas simplement à une mémoire ou à des valeurs partagées, mais comprennent en outre des institutions et des pratiques communes.


c) Reconnaissance de la communauté: intitulé à l'ambiguïté malencontreuse et sous lequel il faut entendre: reconnaissance de ce que nous avons tous en commun (par delà les communautés).

"Qu’est-ce qui unit et rassemble les individus de cultures différentes suffisamment pour qu’ils se perçoivent réciproquement comme les interlocuteurs respectifs d’un dialogue et non comme des ennemis potentiels ?"
1 - Reconnaissance de l'humanitude (communauté transcendant les différences)
2 - La communauté historique (cf. la longue histoire des relations judaïsme-christianisme-islam, qui ne se réduit pas à des conflits!)

"Le dialogue ne saurait ancrer chacun dans l’image qu’il se fait non seulement des autres cultures, mais plus encore de sa culture propre (une image dont on sait qu’elle peut prendre la forme d’un fantasme identitaire). Il ne saurait être compris comme présentation réciproque d’identités cloisonnées. Il est, tout au contraire, dans la reconnaissance réciproque du besoin de culture, cette expérience de la communauté qui modifie la perception même que nous avons de nos appartenances, c’est-à-dire de notre propre identité, et nous permet de vivre ensemble."
(...)

вирус: La critique de la tolérance ne devrait-elle pas plus radicale? La tolérance paraît bien être la figure renversée de l'intolérable; la tolérance est de l'ordre du quand même, malgré tout; une façon de détester avec bonne conscience?

samedi 3 décembre 2005

Etienne BALIBAR

(...)
- ou l'art du rhéteur.
C'est ici:
http://ciepfc.rhapsodyk.net/article.php3?id_article=34
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samedi 3 septembre 2005

Nicolas Grimaldi

Nicolas Grimaldi, Bref traité du désenchantement, PUF, 1998 (rééd. Livre de Poche, biblio essais, 120 p.)

Quelques notes de lectures jetées comme ça, pleines de coquilles, de reformulations non autorisées (ne pas se fier aux guillemets). Une négligence à laquelle l'auteur lui-même nous convie, par delà les apprences de ce texte lisse comme une peau de golden: ne s'autorise-t-il pas des synonymies lourdes du genre "réel = présent" (affirmée p. 42, utilisé partout, un avatar de cette métaphysique du présent que pointait Derrida ?); "possible = imaginaire" (et, puisqu’on y est : "fictif"). Allez donc comprendre ces métaphysiciens... Glissons.

Les thèmes annoncés p. 17-18 suffisent à décrire le diagnostic :

1) pourquoi l’irréel, le fictif excède-t-il toujours en quelque sorte le réel ?
2) qu’est-ce qui, dans l’imaginaire, est condamné à ne jamais devenir réel ?
3) en quoi le possible recèle-t-il toujours un impossible
4) le paradoxe de Saint Augustin : comment puis-je, par mon sentiment présent, me représenter le passé ou le futur ?
5) la chose désirée, une fois obtenue, perdrait tout son attrait s’il n’y avait pas aussi, dans se désir, une tension vers l’impossible.

Joli plan, développé ainsi:

1) « ce n’est pas l’être du présent en soi qui est déficient, mais la conscience qui est à elle-même son propre manque et sa propre déficience (…) c’est parce que la conscience est désir qu’elle ne peut jamais posséder ce qu’elle désire. » (25) Le temps est l’étoffe même de la conscience, or le présent n’a pas d’épaisseur temporelle. Le désenchantement nous ramène donc à notre inquiétude fondamentale. Ce qui vit se caractérise par son devenir, « le présent conspire sans cesse à se déprendre de soi ». « Cette secrète inconciliation du présent avec soi (…) c’est l’inquiétude ». L’âme hante le corps comme sa fin à venir hante l’âme. Cf l’entelekheia aristotélicienne.

2) le présent nous résiste ; par contraire, nous « imaginons l’avenir complice de nos initiatives » (40). C’est de cette résistance du présent que s’ensuit l’impression de finitude ; alors que l’avenir nous laisse imaginer une infinité de possibles » S’il n’y a rien de plus dans l’imaginaire que ce qui j’y mets (cf. l’expérience mentale ouvrant l’imagination de Sartre : « le monde des images est un monde où il n’arrive rien »), le présent est infiniment riche ; c’est paradoxalement cette richesse qui m’en fait éprouver sa précarité, puisque je me trouve condamné à n’en percevoir que telle ou telle parcelle.

3) « Tout se passe comme s’il y avait quelque chose de problématique dans le réel… » -- puisqu’il y a une infinité de choses possibles autres que celles que nous percevons.
Mais Grimaldi devient confus, malgré la référence à la troisième analogie de l’expérience chez Kant : ce possible est-il :
a) un possible présentifié : il existe maintenant une infinité d’autres choses possibles
b) ou inversement, la tendance du présence à déborder sur l’avenir (parce qu’on n’a jamais fini de vouloir épuiser le présent) ; autrement dit, serait en cause la temporalité inscrite dans l’infinité du donné présent (l’infinité des médiations dont le présent, tout immédiat qu’il soit, se trouve être le support).

« …et qqchose d’assertorique dans le possible », en tant que ce possible que nous imaginons est soustrait à la relativité, à l’interaction des phénomènes entre eux, à l’inattendu etc. Autrement dit, d’après ce raisonnement rien ne serait possible qui ne soit prévisible ; à nouveau, ce flou lexical est insupportable.

Nous sommes certains de ce que nous imaginons, mais toujours incertains de ce que nous vivons. (47)

Et il y a l’imagination sans représentation, le schématisme (cf. la définition kantienne du schème : « la représentation d’un procédé pour procurer à un concept son image » - un schème n’est donc pas en soi une image, cf. les définitions géométriques) : l’avenir est souvent imaginé sous la forme d’une schématisation libre de toute circonstance, détermination, négation… comme un pur concept. (59) « Cette imagination nous fait éprouver le concept qu’elle schématise comme un pathos absolu » (cf. les utopies, les rêves de carrière).

L’imagination historique, aussi, avec l’exemple pris par Nietzsche de l’histoire monumentale qui, comme le redit joliment Grimaldi, « confie au passé de se faire le fossoyeur du présent ». Et l’imagination qui projette dans l’avenir l’image que nous avons du passé (Voltaire imaginant pour la France en 1750 le régime que l’Angleterre avait depuis quatre siècles). Imagination réconfortante dans les deux cas, qui ne réserve surprises et aventures qu’à ceux qui n’auraient pas appris l’histoire…

Et la déception sera plus ou moins sensible suivant l’attente, cf. la déception des lettrés devant la réalisation brouillonne de leurs plans léchés…

La conscience est toute entière attente et désir, or toute attente est secrètement décevante, comme tout désir est contradictoire par essence, voué à n’être plus désir au moment même où il se réalise. Ce que l’attente avait distingué comme objet privilégié – voire unique -, cela se trouve dilué dans la contiguïté de tout ce qui l’entoure dans le présent. Une fois entré dans le bus que j’attendais et cherchais avidement du regard, je regarde dehors. « Au lieu que le monde soit la scène où je guettais qu’il apparût, il sera l’invisible point de vue d’où le monde m’apparaîtra. » (p. 76)

Les choses désirées, une fois réalisées, se trouvent contaminées par la banalité des mille circonstances qui, désormais, les entourent, cf. la « tyrannie du particulier » (Proust, A l’ombre des jeunes filles en fleur, 1, 660)

On dit depuis Platon que tout désir est désir de ne plus désirer ;ce point ou tout désir s’abolit, ce serait l’éternité. La vérité de tout désir serait eschatologique. Du coup, il faudrait reconnaître en toute vie un secret désir de mort. Mais pour autant, il n’est pas vrai qu’en mangeant, on espère ne plus jamais avoir faim ! L’erreur de ces analyses, d’après Grimaldi, et de confondre besoins (nécessairement satisfaits, fondés biologiquement) et les les désirs (qui peuvent rester à jamais en attente de satisfaction). Or le propre d’un désir est qu’il n’est jamais satisffait pleinement. Tout se passe comme si les divers buts que s’assigne le désir n’étaient qu’autant de leurres justifiant la quête. Des prétextes… Le but poursuivi et réalisé n’était pas un objet, mais un fétiche de notre désir.

Reste toutefois à comprendre pourquoi le désir se satisfait d’autant moins qu’il semble d’avantage s’accomplir. De fait, tout désir une un travail de sape du présent, une aspiration à l’autre, à cet avenir qui anéantira le présent.

C’est en fait le paradoxe de tout désir : à la fois lié à l’aventure, la rupture, le départ ET au but, à l’arrivée ; à la fois (désir de) commencement et (désir) d’ultimité. (p. 86) « A peine l’ordre est-il établi qu’il nous impatiente et nous fait aspirer à la révolution ; mais la révolution n’a pas plutôt éclaté que son improvisation brouillonne nous irrite.

Je renvoie ensuite à la conversation menée en russe dans (

dimanche 28 août 2005

Stella BARUK

Si 7 = 0. Quelles mathématiques pour l'école? Odile Jacob, 2004.

Certes, 448 p. et nombreuses redites, mais livre important.
N'était l'incompréhension de l'auteur (qui n'est autre que celle de Schwartz en personne!) devant la protase si 7 = 0... indûment réduite à l'affirmation que 7 = 0.

Bon sang, certaines formulations du quatrième axiome de Peano ne valent guère mieux, cf. (Wikipedia):
Deux entiers naturels ayant même successeur sont égaux.
Soit donc 7 et 7 deux entiers naturels...

Les pages consacrées au concret vs. abstrait (au sujet des pseudo "nombres concrets") sont incontournables. On y évoque le seuil à partir duquel un nombre dit "concret" devient lui-même abstrait, par exemple "quarante mille cinq cents soldats..." Et lorsque l'abstrait devient concret sans crier gare.

Omniprésente: la question du sens (comme opposé au pas-de-sens et au non-sens), dont l'enfant serait dépris par des énoncés de problèmes mélangeant dangereusement les maths et le monde, qui plus est une version particulièrement arbitraire du monde...

Tant pis si la mode a passé, il faut être barukien.

Entretien Cl. Bonnefoy / M. Foucault (1966)

(...)

Entretien Cl. Bonnefoy / M. Foucault (1966)

Mise en scène diffusée sur France Culture :

A l’issue de cet entretien, Foucault insiste : « Écrire et parler sont pour moi deux activités très différentes. J’écris ce que je ne peux pas dire, et je dis ce qu’à coup sur je ne voudrais pas écrire. » On a donc quelques scrupules à en proposer des fragments retranscrits (parfois réécrits à la diable), mais il se dit là des choses essentielles sur l’écriture qui me paraissent dépasser l’intimité de la confession.
Le comédien Eric Ruf, qui lit les réponses de Foucault, échappe dans l’ensemble au lyrisme de mauvais aloi de son interlocuteur (on croit même parfois entendre certaines intonations foucaldiennes, cette clarté de la voix et cette précision de l’articulation si caractéristiques et, il est vrai, communicatives).



Fragments :

«
L’écriture est érigée à partir d’elle-même pour être là, elle est actuellement le monument même de l’être du langage. Mais pour moi, j’ai toujours eu à l’égard de l’écriture une méfiance presque morale. Ce que je mettrai en rapport avec mon histoire individuelle (à contre-pied de ce que j’ai fait avec les auteurs que j’ai étudiés !)

On dit : « Au 19ème siècle, la santé a remplacé le salut »… J’ai vécu dans un milieu médical – je suis fils de chirurgien qui n’est pas celui qui parle, mais celui qui écoute, pour traquer une maladie. Le médecin ne parle que pour dire d’un mot la vérité (diagnostiquer) et prescrire l’ordonnance : il nomme et il ordonne. Dévalorisation fonctionnelle de la parole qui a pesé sur mois jusqu’à très récemment. Pour moi, la parole a été très longtemps du vent.

Dans une culture / société comme la nôtre, qu’est-ce que c’est que l’existence d’une parole, de l’écriture, du discours. Les discours ne sont pas seulement le miroir de ce qui est : le discours a sa propre existence : un discours, ça existe, avec sa consistance propre, son épaisseur. Les lois du discours existent comme les lois économiques. Un discours ça existe comme une technique, un rapport social etc. C’est cette densité propre du discours que j’essaye d’interroger.

A la réflexion, je crois qu’on a raison de voir de l’agressivité dans mon écriture. J’ai peut être transformé le bistouri de mon père en plume. Peut-être que la feuille de papier est comme le corps des autres. Ce qui est sûr, c’est que le plaisir d’écrire a toujours chez moi rapport à la mort des autres. Rapport entre l’écriture et la mort : il est difficile d’en parler après ce qu’en a dit Blanchot. Ici, il s’agit seulement de l’envers de mon écriture. Je ne veux pas dire qu’écrire, c’est tuer les autres ; non, c’est en fait avoir affaire aux autres en tant qu’ils sont déjà morts. Je parle en quelque sorte sur le corps des autres. De fait, il est très difficile pour moi de parler du présent [et l’étude des formes de connaissance du passé]

Il me semble que mes contemporains sont victimes du même mirage que mon enfance : ils croient que le discours, le langage, ce n’est au fond pas grand chose. Les linguistes ont certes découvert que le langage était important, qu’il obéissait à des lois ; mais ils ont surtout insisté sur la structure de la langue, i.e. sur la structure du discours possible ; mais ce sur quoi je m’interroge, c’est sur le mode d’apparition et de fonctionnement du discours réel ; moi, il s’agit d’une analyse des choses dites en tant que ce sont des choses.

Cette remarque est capitale et devrait être méditée par bien des émules de Foucault qui n'ont de cesse d'intercaler le matelas du "discours" entre les idées et les phénomènes: "une analyse des choses dites EN TANT QUE CE SONT DES CHOSES". Pas en tant que simples "choses dites"! Cela ferait sans doute frémir un philosophe, mais je pense qu'il y a une ontologie foucaldienne.
(..)

je suis médecin ; disons que je suis diagnosticien, et mon travaille consiste à mettre à jour, par l’incision même de l’écriture, quelque chose qui soit la vérité de ce qui est mort. Dans cette mesure là, l’axe de mon écriture n’est pas de la mort à la vie ou inversement, il est plutôt dans l’axe de la mort à la vérité et de la vérité à la mort. Je pense que l’alternative à la mort ce n’est pas la vie, mais bien plutôt la vérité. Ce qu’il faut retrouver à travers la blancheur et l’inertie de la mort, ce n’est pas le frémissement perdu de la vie. C’est le déploiement méticuleux de la vérité. C’est dans cette mesure que je me dirai(s) diagnosticien.

Au fond, je n’écris pas parce que j’ai quelque chose dans la tête, pour démontrer ce que j’ai déjà par devers moi démontré et analysé ; l’écriture ça consiste essentiellement à entreprendre une tâche grâce à laquelle et au bout de laquelle je pourrai moi-même trouver quelque chose que je n’avais pas encore vu. Je ne découvre ce que je pourrais démontrer qu’au cours de l’écriture. Comme mes ancêtres, je fais un diagnostic, seulement ce diagnostic, je veux le faire à partir de l’écriture, dans cet élément du discours que les médecins, d’ordinaire, réduisent au silence.

- Quid du choix des sujets médicaux au début de votre œuvre ?
- Je crois qu’il faut faire une différence entre ce que j’ai dit de la médecine et ce que j’ai dit de la médecine. Dans mon enfance, j’ai le souvenir que la folie était dépréciée. Pour un chirurgien, la folie est une mauvaise maladie (auquel le médecin ne peut pas reconnaître de substrat organique précis). C’est tout prêt de ne pas être une maladie du tout. Si la folie est une fausse maladie, alors que dire du médecin qui la soigne ; le psychiatre est nécessairement un médecin berné, un mauvais médecin, donc un faux médecin. Seul quelqu’un qui avait ma méfiance envers la psychiatrie pouvait se poser le problème de l’histoire de la folie comme confrontation psychiatrie / folie. Un certain nombre de psychiatres ont été choqué par mon livre, y ont vu comme un acharnement méchant envers leur métier ; peut-être bien. Mais après tout, on sait bien de puis Nietzsche, que la dévalorisation est un instrument de savoir. Il est nécessaire d’ébranler les systèmes de valeur, d’ailleurs les psychiatres le font eux-mêmes à présent et mieux que moi.

- Quid de votre intérêt pour Sade, Roussel, Artaud, Goya…
- Comment peut-il se faire que la maladie mentale puisse s’avérer créatrice. Cette création est, dès son apparition, a partie liée à la folie mentale. Artaud et Roussel eux-mêmes n’en ont jamais douté. Ma question est celle-ci : comment se fait-il qu’une œuvre d’un fou puisse fonctionner de manière positive à l’intérieur d’une culture. On s’aperçoit alors qu’il y a toujours à l’intérieur d’une culture donnée il y a toujours une marge de tolérance à la défiance.

C’est ce fonctionnement positif de la folie, ce fonctionnement positif du négatif à l’intérieur de la culture qui n’a cessé de me préoccuper. Je suggérerai(s) ceci : dans une époque, dans une culture, dans une certaine forme de pratique discursive, le discours et ses règles de possibilité sont telles qu’un individu peut être psychologiquement et anecdotiquement fou, mais que son langage – qui est bien celui d’un fou ! - peut en vertu même des règles du discours à l’époque en question fonctionner d’une manière positive. Autrement dit, la position de la folie se trouve réservée et comme indiquée en un certain point de l’univers possible du discours à un moment possible. C’est cette place possible de la folie, cette fonction de la folie dans l’univers du discours, que j’ai essayé de repérer.

- Quid du plaisir qu’il y a à écrire ? Comment se plaisir peut-il se trouver dans une écriture qui cherche à trouver la vérité.
- Existe-t-il vraiment un plaisir d’écrire ? En tout cas, il y a une très grande obligation d’écrire. Tant qu’on n’a pas commencé à écrire, l’écriture semble quelque chose d’impossible. Quand on a commencé, on est obligé d’écrire, on est dans une grande angoisse lorsqu’on n’a pas fait comme chaque jour en écrivant sa page quotidienne, c’est comme si l’on donnait à soi-même une espèce d’absolution ; le bonheur d’exister se trouve suspendu à l’écriture.
L’obligation d’écrire se manifeste également en cela qu’on écrit toujours pour écrire le dernier livre du monde. La dernière phrase qu’on est en train d’écrire doit être, de façon délirante, la dernière phrase du monde de sorte qu’après, il n’y ait plus rien à dire. Il y a une volonté paroxystique d’épuiser le langage dans la moindre phrase ; on écrit pour arriver au bout de la langue, pour arriver par conséquent de tout langage possible, pour boucler enfin par la plénitude du discours, l’infinité vide de la langue.
Encore ceci, où l’on verra qu’écrire est bien différent de parler : on écrit aussi pour n’avoir plus de visage, pour s’enfouir soi-même sous sa propre écriture, pour que cette vie qu’on a autour, à côté, en dehors, qui n’est pas drôle et pleine de soucis et qui est exposée aux autres, se résorbe dans se petit rectangle de papier qu’on a sous les yeux et dont on est maître. Écrire au fond, c’est essayer de faire s’écouler par les canaux mystérieux de la plume et de l’écriture toute la substance non seulement de l’existence mais du corps, dans ces traces minuscules qu’on dépose sur le papier.
N’être plus en fait de vie que ce gribouillage en même temps mort et bavard qu’on a déposé sur la feuille blanche, c’est à cela que l’on rêve quand on écrit. Mais à cette résorption de la vie grouillante dans le grouillement immobile des lettres, on n’arrive jamais. Toujours la vie reprend en dehors du papier, toujours elle prolifère, elle continue. Jamais elle ne parvient à se fixer sur ce petit rectangle. Jamais le lourd volume du corps ne parvient à ne se déployer dans la surface du papier ; jamais l’on ne passe à cet univers à deux dimensions, à cette ligne pure du discours. Jamais on n’arrive à se faire assez mince, assez subtile pour n’être rien d’autre que la linéarité d’un texte.
Et pourtant c’est à cela qu’on voudrait parvenir. Alors on ne cesse d’essayer de se reprendre, de se confisquer soi-même, de se glisser dans l’entonnoir de la plume et de l’écriture, tâche infinie, tâche, à laquelle on est voué ; on se sentirait justifiait si l’on vivait dans se minuscule frémissement, cet infime grattement qui se fige et qui est entre la pointe du porte-plume et la surface blanche de la feuille, le point, le lieu fragile, le moment immédiatement disparu où s’inscrit une marque enfin fixée, définitivement établie, lisible seulement pour les autres et qui perd toute possibilité d’avoir conscience d’elle-même. Cette espèce de suppression, de mortification de soi dans le passage au signe, c’est cela aussi qui donne aussi à l’écriture son caractère d’obligation. Obligation sans plaisir, vous le voyez. Mais après tout quand échapper à une obligation vous livre à l’angoisse, quand enfreindre à la loi vous laisse dans le désarroi, obéir à cette loi n’est-il pas le plus grand plaisir ?

- N’y a-t-il pas dans la démarche de celui qui écrit la volonté de découvrir quelque chose qu’on ne soupçonnait pas ? Avez-vous l’impression de constamment dominer l’écriture ?
- Je me place non du côté des écrivains, d’ailleurs je n’ai aucune imagination, mais des écrivants (pour reprendre la distinction de Barthe). Écriture transitive : j’ai le projet de dire des choses. Je voudrais faire apparaître ce qui est trop proche de nous pour qu’on puisse le voir : mon projet est un projet de presbyte. Saisir l’invisible du trop visible, cette familiarité inconnue.

- Vos livres proposent des analyses des modes de savoir ou de discours du passé. Cela suppose avant l’écriture de nombreuses lectures, de nombreuses analyses etc.
- En fait, je m’amuse à lire des livres de botaniques du 17ème, des livres de grammaire du 18e, des livres d’économie politique de Ricardo et d’Adam Smith. Mon but n’est pas de rétablir ce qu’ils laissent apparaître dans leurs interstices, qu’ils ne disent pas vraiment etc. J’essaye de les lire en rompant toute familiarité que nous pourrions avoir avec eux, dans leur étrangeté la plus grande, et ceci afin qu’apparaisse la distance dans laquelle nous sommes par rapport à eux, dans cette différence dans laquelle nous sommes placés et que nous sommes par rapport à eux. Inversement mon discours doit être le lieu où cette différence apparaît.

Ce que je voudrais faire apparaître dans ces textes lointains, un peu exotiques, ce n’est pas le secret qui est au delà d’eux et qu’ils cachent par leur présence manifeste, mais cette atmosphère, cette transparence qui nous sépare d’eux et en même temps nous lie à eux. Ainsi pour moi, le rôle de l’écriture est essentiellement un rôle de mise à distance et de mesure de la distance. Écrire, c’est se placer dans la distance qui nous sépare de la mort et de ce qui est mort. En même temps, c’est ce en quoi cette mort va se déployer dans sa vérité. Non pas dans sa vérité cachée et secrète, mais dans cette vérité qui nous sépare d’elle, et qui fait que nous ne sommes pas morts, que je ne suis pas mort au moment où j’écris sur ces choses mortes. C’est ce rapport que l’écriture pour moi doit constituer.
Dans ce sens, je ne suis ni écrivain, ni herméneute. Si j’étais herméneute, j’essaierais d’aller derrière l’objet que je décris, derrière ces discours du passé pour retrouver leur point d’origine et le secret de leur naissance ; si j’étais écrivain, je ne parlerais qu’à partir de mon propre langage et dans l’enchantement de son existence d’aujourd’hui. Je ne suis ni l’un ni l’autre. Je suis dans cette distance entre le discours des autres et le mien. Et mon discours n’est rien d’autre que la distance que je prends, que je mesure, que j’accueille, entre le discours des autres et le mien. En ce sens, mon discours n’existe pas ; je sais bien que je ne fais pas une œuvre. Je suis l’arpenteur de ces distances, et mon discours n’est que le mètre absolument relatif et précaire par lequel je mesure tout le système d’éloignement(s) et de différence(s). Mesurer la différence avec ce que nous ne sommes pas, c’est à cela que j’exerce mon langage, et c’est pour cela que je vous disais tout a l’heure qu’écrire c’est perdre son propre visage, perdre sa propre existence. Je n’écris pas pour donner à mon existence une solidité de monument, j’essaye plutôt de résorber ma propre existence de la distance qui la sépare de la mort, et probablement par la même la guide vers la mort.

- Quand vous dites que vous disparaissez dans votre discours, vous dites à la fin des Mots e les choses que l’homme disparaît, s’efface dans la trame du discours ; n’y aurait-il pas quelque parenté entre ces deux disparitions ?
- Oui ; je prends le risque de le dire, tant pis si l’on pointe ma schizophrénie et donc le caractère irrationnel de la démarche, le caractère chimérique de ce que j’ai voulu dire… De toute façon, mes livres seront dits de par ce que je dis. […]

(…)

mardi 2 août 2005

Site Jacques Derrida

Site Jacques Derrida: "La possibilité de l’impossible, dit ainsi Adorno, die Möglichkeit des Unmöglichen. Ne pas se laisser impressionner par « l’unanimité permanente des philosophes », à savoir la première complicité à rompre et cela même dont il faut commencer par s’inquiéter si l’on veut penser un peu. Bannir le rêve sans le trahir (ohne ihn zu verraten), voilà ce qu’il faut, selon Benjamin, l’auteur d’un Traumkitsch (5) : se réveiller, cultiver la veille et la vigilance, tout en restant attentif au sens, fidèle aux enseignements et à la lucidité d’un rêve, soucieux de ce que le rêve donne à penser, surtout quand il nous donne à penser la possibilité de l’impossible. La possibilité de l’impossible ne peut être que rêvée, mais la pensée, une tout autre pensée du rapport entre le possible et l’impossible, cette autre pensée après laquelle depuis si longtemps je respire et parfois m’essouffle dans mes cours ou dans mes courses, elle a peut-être plus d’affinité que la philosophie même avec ce rêve. Il faudrait, tout en se réveillant, continuer de veiller sur le rêve. De cette possibilité de l’impossible, et de ce qu’il faudrait faire pour tenter de la penser autrement, de penser autrement la pensée, dans une inconditionnalité sans souveraineté indivisible, hors de ce qui a dominé notre tradition métaphysique, j’essaie à ma manière de tirer quelques conséquences éthiques, juridiques et politiques - qu’il s’agisse du temps, du don, de l’hospitalité, du pardon, de la décision ou de la démocratie à venir."

samedi 2 juillet 2005

ricoeur

(...)

Lapsus:
Ce n'est pas facile de se souvenir, ce n'est pas à la merci... à la disposition de tout le monde!

(rappelant l'image platonicienne de l'oiseau qu'on cherche à saisir la nuit dans une volière, et l'on ne saisit pas celui qu'on souhaitait):
Le problème c'est de prendre ce que l'on possède déjà, mais qu'on ne tenait pas.


Excellente, cette conférence sur le Religieux. Voici les copieuses notes que j'ai prises, truffées de coquilles en fin de transcription, j'y reeviendrai.

La croyance religieuse (Le difficile chemin du religieux).

Il s'agira de Transformer certaine s objections et accusations faites aux croyants en difficulté intime à leur croyance même. C'est en particulier aux menaces d'intolérance et de violence qu'on s'affontera, en faisant appel aux ressources d'auto-critique que l'intelligence inhérente à cette croyance est capable de mobiliser.

La question préalable à cette discussion: Quel est le destinataire de la croyance religieuse et donc le porteur de la croyance religieuse? Autrement dit: Dans quelle région de mon existence suis-je atteint par la probtique religieuse? C'est en mon désir d'être, dans mon pouvoir d'exister que la flèche du religieux peut m'atteindre.

Dans ses travaux d'anthropologie philosophique, Ricoeur adopte une expression abrégée: "l'homme capable", sous laquelle sont rassemblées toutes les figures de la puissance / non puissance: l'ensemble de ce que je peux et la somme de ce que je ne peux pas. C'est une approche du phénomène humain en terme d'agir / praxis et de pâtir / pathos.

L'être humain comme agissant et souffrant, ce qui se décline en quatre grandes rubriques:

- pouvoir dire : capacité de parole d'un locuteur qui peut dire qqchose sur quqchose à qqu'un; discours;
- pouvoir faire: capacité d'action d'un agent incarné capable de produire ds changements dans le monde, de faire arriver des événements;
- pouvoir raconter: capacité de raconter d'un sujet historique en quête d'identité narrative
- (?): capacité d'imputation d'un sujet moral responsable des actes dont il se reconnaît être l'auteur véritable

Sous chacune de ces rubriques, il y a des incapacité, des impuissances spécifiques.

Le destinataire du message religieux est un tel être de pouvoirs et de non pouvoirs, un tel
homme capable.

Introduisons la problématique religieuse comme le fait Kant dans
La religion dans les limites de la simple raison, i.e. à partir d'une méditation sur le Mal, voie d'accès à la face négative du phénomène religieux; cela fait apparaître le religieux au coeur de la problématique de l'homme capable: en effet, le religieux répond à l'incapacité de faire par soi-même le bien. Le libre arbitre est une expérience aisée à identifier, ressentie comme une ligature intime comme de soi par soi; cette expérience que Pascal avant Kant appelle "misère de l'homme" s'articule sur tout ce qui fait de l'homme capable un être fragile et coupable.Que le phénomène religieux puisse être abordé du point de vue de la plénitude est entendu, mais ici on choisit l'abord opposé. Entrée dans le religieux par le côté ténébreux, puis ensuite redécouverte de la face de lumière.

Distinguons nettement, avec Kant, entre la disposition au Bien (définissant le fond de la condition humaine) et la propension au Mal qui régit la condition ordinaire des humains. Disposition au Bien / propension au Mal (=condition ordinaire de ce que Kant appelle les "maxi mauvaises ): aussi radical que soit le Mal, il ne sera jamais aussi originaire que sera la disposition au Bien. Disons dès maintenant que le religieux qui aura partie liée avec ce fond originaire de bonté.

Quelles sont les resssources du religieux dans la prévalence au Mal? Dans la suite de son traité, Kant propose une triple articulation du phénomène religieux: au plan des symboles, de la croyance, du vivre-ensemble (du communautarisme):

1) au plan symbolique

La culture juive et chrétienne européenne s'est structurée à partir du symbole christique, celui de l'homme agréable à Dieu qui donne sa vie pour ses amis. Ce symbole excède nos capacités d'invention: son avènement comme événement fondateur est premier.


2) le plan de la croyance


La croyance religieuse consiste dans un acte d'accueil à l'égard des prophètes qui ont annoncé la bonne nouvelle du symbole christique. Croire, c'est d'abord croire en la parole des autres qui témoignent en la faveur de la puissance de regénération du symbole christique. Ce n'est pas adhérer à des contenus dogmatiques (aussi importants soient-ils) mais faire confiance à la puissance bénéfique exercée par le symbole christique. Ici, Croire en signifie ici plus que croire que. C'est ici que s'insère la polémique vigoureuse que mène Kant contre les dogmatiques. Mais cette polémique ne doit pas dissimuler l'analyse que Kant fait du phénomène religieux

3) le plan de la communauté. Phénomène religieux est un rassemblement de caractère non politique, une entre-aide que se donnent les uns aux autres, les auditeurs et les interprètes du message contenu dans le symbole fondateur. Que l'ecclesia / l'église ne soit pas une communauté politique centrée sur le phénomène du pouvoir, de la domination, et dotée de la faculté de contraindre, c'est le point le plus délicat de la problématique religieuse. C'est aussi le moment où le ton polémique de Kant atteint son degré le plus extrême de véhémence contre la "prétraille". Kant plaide pour un dépouillement de puisssance des églises visibles, ce qui mettrait à nu la seule puissance du symbole sur l'imaginaire, de la croyance sur l'intelligence, de l'action fraternelle non violente sur la vie dans la cité. Voyons la finalité du religieux. Il a pour fonction la délivrance du fond de bonté des liens qui le tiennent captif. C'est à cette délivrance que concourent le symbole, la croyance et la communauté ecclésiale. Ainsi, la problématique religieuse peut se résumer dans la capacité extraordinaire de rendre l'homme ordinaire capable de faire le bien. C'est pourquoi l'homme capable est le destinataire du religieuxc et le porteuir de la croyance religieuse. Au sujet de l'articulation du religieux sur le moral. cela s'impose puisqu'on qualifie le religieux comme la capacité de faire le bien.

Articulation délicate: il importe de limiter avec précision les champs respectifs du religieux et du moral.
L'expérience morale se définit par le rapport primordial entre une liberté qui se pose et une règle qui s'adresse à un sujet capable d'imputation. C'est au niveau de cette articulation que se pose toute la problématique de la suite de cet exposé. L'articulation de la position d'un soi sur l'imposition d'une règle. L'expérience morale se définit ainsi comme l'auto-nomie: la jonction entre un SOI (AUTO-) et une règle (-NOMIE): la capacité effective d'agir selon une règle est le problème en suspend: être capable de faire le bien. Kant réduit la liste des mobiles moraux (impulsions à agir suivant la règle) au respect. Ajoutons la honte, l'indignation, le sublime, l'admiration, la vénération et, plus que tout, la reconnaissance de la dignité de l'homme dans son humanité commune. C'est au plan de ces mobiles que vient s'insérer la capacité de faire le bien engendrée par le religion selon la triple membrure du symbole de la croyance, de la communauté. Paul Tillich a inventé le concept de courage d'être. Il opère à la charnière du religieux et du moral, non plus au plan des contenus normatifs, mais à celui de la capacité d'agir selon le bien connu.
A ce courage d'être j'ajouterai la valeur supra-éthique de l'amour où s'exprime la surabondance du don par rapport à notre capacité d'accueil (cf. infa) Mais l'amour ne saurait see substituer à la justice : l'amour demande plus de justice, il lui demande d'être toujours plus universelle et en même temps toujours plus singulière. C'est ainsi que le religieux s'ajoute au moral en tant que courage d'être et amour. Le courage d'être atteint l'homme capable dans son intimité solitaire, l'amour dans son altérité partagée.

L'accusation d'intolérance adressée à la religion. Le témoignage historique est assurément accablant: guerres de religion, contraintes, intrusions indiscrète dans la sphère morale etc. La question est de savoir si le religieux en tant que tel contient la tentation d'une violence spécifique. C'est de violence symbolique que je veux parler à la source de la violence physique éventuelle. Une grande partie des faits de violence avérés tourne autour de la notion de sacrifice dans les religions archaïques. Le sacrifice, comme conduite et comme rite, reconduit au coeur du sacré (en tant que mise à part d'une sphère délimitée de l'existence) des conduite profanes. Or le sacrifice n'a pas disparu des formes évoluées des grandes religions historiques. Freud en a montré la persistence dans Moïse et le monothéïsme. La messe catholique, par exemple, est centrée sur l'hostie consacrée, à la fois victime et offrande. Et la liturgie confère structure et rythme à l'offrande et au partage par la communauté du corps brisé et du sang répandu. Une théologie sacrificielle circule dés le nouveau Testament où l'accent est mis sur l'aspect substitutif de la victime pascale en réponse à l'exigence punitive de rétreibution prononcée par un Dieu justicier. Certes, il existe d'autres courants d'interprétation de la mort du Christ où l'acccent est moins mis sur la rétribution sanglante que sur la pure offrande de la victime. On y reviendra. Reste que le rapport sacré-violence doit être abordé.

Suivons quelque temps l'interprétation de René Girard (La violence et le sacré, 1972, et dans Le bouc émissaire, 1981 etc.) René Girard ne se satisfait pas de l'explication en cours de l'instinct d'agressivité réputé commun à tous les vivants; il cherche - et trouve - une source proprement humaine dans la rivalité de deux désirs semblables portant sur le même objet convoité. Il appelle désir mimétique / rivalitaire ce ressort de violence qui contient en germe le meutre. Il importe de relever le caractère anthropologique de l'étude des rapports entre le désir et la haine. Dans les cas exemplaire de rivalité mimétique, on assiste au renforcement mutuel du désir possessif et de ses obstacles dans ce que les anciennes traduction de la Bible appelaient "pierre d'achoppement", que l'on appelle maintenant "scandale": plus on s'y heurte, plus l'on a envie de s'y meurtir. Pour sortir de cette impasse, des sociétés auraient inventé la réconciliation au dépent d'un tiers: la scène réelle - et non simplement métaphorique - d'une expulsion victimaire collective sur le modèle du bouc émissaire.

Sur cettte base, Girard construit une théorie complexe partant de l'occultation et donc de la méconnaissance de ce processus à l'oeuvre dans les religions et les régimes politiques au moyen d'institutions proprement sacrificielles dans leur fond. L'illusion et le mensonge consistent en la divinisation de la victime ainsi soumise à l'expulsion sanglante afin d'apaiser la rivalité mimétique. La violence de tous contre un, telle serait la formule du bouc émissaire. Le camouflage de ce processus meutrier imposerait alors la tâche de désocculter les représentations où s'exerce la méconnaissance, donc la tâche d'une Révélation au sens propre de "déchiffrement".

Or selon Girard, cette conquète sur la surdité de l'histoire peut et doit prendre appui sur la seule exception, à son avis, à ce religieux violent, à savoir la proclamation évangélique de la vicitme pure qui, malgré les apparences auxquelles les Chrétiens eux-mêmes se sont trompé , n'est pas le produit du lynchage, mais l'expression de la pure offrande de soi.

Tout se joue dès lors sur la différence entre la passion du Christ et le lynchage religieux. Girard reproche au christianisme historique (exception faite de St Jean) de ne pas distinguer entre la divinisation de la victime coupable (comme dans les autres religions) et la glorification des persécuteurs réputés innocents. Girard interprète Pâques comme la proclamation d'innocence qui dissipe l'illusion collective de la victime coupable. C'est ce que Girard appelle la Résurrection. c'est là ce que les croyants croient.

La dénonciation du mythe sacrificielle est certes dépendante de la croyance des disciples selon laquelle le Christ est bien l'envoyé de Dieu; mais l'opération de désoccultation est devenue un phénomène culturel de grande amplitude centré sur l'innoncence de la victime. Ce sens est retrouvé par la modernité au plan de la dénonciation croissante de la violence collective. Girard: "Cette signification moderne présuppose ce que j'appelle la révolution anthropologique du christianisme". Le christianisme peut décliner en tant que pratique religieuse, sa fonction anthropologique de révélation de l'innocence de la victime injustement sacrifiée demeure inébranlable. Elle ne peut même que s'amplifier dans l ligne de la substitution de la figure de l'agneau de Dieu à celle du bouc émissaire.

Je veux dire maintenant pourquoi la conception de Girard ne me suffit pas. Je reprends sur ce point le fil de ma première poartie, très kantienne, sur le thème de la libération du fond de bonté originaire. En effet, la thèse de Girard s'articule fort bien sur la question des obstacles mis à l'entreprise de libération de la bonté, à savoir précisément, la rivalité identitaire qui ouvre le cycle de la violence, déclenche le lynchage, lance le processus de réconciliation aux dépends de la victime sacrificielle, pour s'achever dans la divinisation de la victime et la disculpation des agressseurs.

La théorie est forte, mais il y a un chaînon manquant concernant l'objet spécifique de la rivalité mimétique. Sur quoi y a t-il rivalité mimétique dans le religieux. Girard est peut être trop scientifique dans sa perspective anthropologique. A la limite, n'importe quel objet désirable peut être l'objet d'une volonté mimétique, tout peut devenir pierre d'achoppement. La suggestion de Ricoeur est que la source créatrice du processus de libération de la bonté de la façon que kant a dit (i.e. par le truchement des grands symboles fondateurs, des traditions de croyances, et des médiations communautaires de nature ecclésiale), la source originaire de ce puissant soulèvement de bienveillance peut être en tant que telle objet de rivalité mimétique, de scandale, de lynchage, de réconciliation de tous contre un, de divinisation de la victime coupable et d'exonération des violents. C'est de cette façon que je vois la violence s'emparant de la source même de la vie.

Ce n'est pas facile à saisir. D'un côté, il faut donner au shème girardien un poids d'application qui soit déjà religieux par sa nature (et non un scandale quelconque); mais il faut aussi donner à la conception kantienne de la Religion dans les limites de la simple raison un prolongement permettant de désigner la source créatrice du processus de libération de la bonté. Cela ne peut se faire en restant dans les limites de la simple raison, mais en franchissant les bornes assignées à la raison théorique et pratique par Kant, et cela sur la ligne ouverte par les philosophes post-kantiens Fichte et surtout Schelling. C'est ce geste de transgression des limites de l'entendement qui donne la possibilité de dire quelque chose sur l'objet proprement religieux de la violence mimétique et donc de la violence du religieux, à savoir: la prétention à s'accaparer la source, à se l'approprier dans la rivalité avec les autres bénéficiaires de la générosité fondamentale de la source. Cf. le thème puissant du fond sans fond dans la philosophie de la religion de Schelling, le grund qui est Abgrund, du fondamental qui est abymé.

Je me dis ceci: ce fond insondable, n'est-ce p as la source même de vie que tous reçoive mais que nul ne peut enclore. Et pourquoi y a-t-il rivalité mimétique sinon parce que le religieux n'existe nulle part dans sa nudité innocente, dans son universalité indivise. Et s'il n'existe nulle part dans sa totalité immaculée, c'est parce que les religions sont comme les langues, les cultures, les sociétés politiques, à savoir sopumises à la loi inexorable de la pluralité, de la dispersion, et de la coonfusion, comme il est diut des langues dans le mythe hébraïque de Babel, oui, la Babel des religions. Signifiante, vivifiante chaque fois pour chaque communauté religieuse, la source de vie l'est assurément c'est la véirtié d'une religion. Mais la captation jalouse de la source reste le phénomène inquiétant historiquement attesté. Les guerres de religion ont là leur origine. La fragmentation radicale, radicale comme on a dite du Mal qu'il était radical, mais pas originaire, c'est la le donné même de l'hisoire, Girard dirait : "le fait anthropologique prmeier". Le religieux n'existe jamais que dans des religions. Et les religions sous l'emprise du Mal radical dont nul ne connaît l'origine sont les unes envers les autres dans une rapport de rivalité mimétique ayant pour objet la source de viue indivise dans son jet, divisée dans ses rteceptacles.

J'illustrerai par une métaphore cette idée du fond sans fond qui n'émerge à la surface de l'histoire que dans la pluralité compétitive des religions perverties en violence effective. La métaphore est celle de la source et du réceptacle. La source déborde, mais le vase voudrait la capter toute, l'enfermer. cette captation demande que soient renforcées les parois de l'espace d'accueil. Ici commence la violence. On voudra clôturer sur les côtés, faute de pouvoir obturer vers le haut. Cette dialectique du trop-plein et de la finitude de l'espace d'accueil est vécu à l'échelle communautaire, comme le rappelait Kant, en coordonnant les trois moments du symbole fondateur, de l'adhésion de croyance, et de la médiation communautaire. La comunauté ne pouvant otut contenir s'emploira à exclure, pire, elle forcera d'enter selon un mot de St Augustin. Exclusion, inclusion forcée, c'est la même chose. Renforcer les murailles, c'est contenir par force et expulser. Les figures de la rivalités mimétiques sont innombrables.

La métaphore se laissee bien interpréter dans le langage de la capacité: il y a à l'égard de la source de vie une capacité finie de réception et d'accueil; c'est cette capacité que figure le réceptacle aux cloisons que la peur et la haine renforcent. C'est cette capacité finie qui est mise à l'épreuve de toute expérience religieuse de quelque confession qu'il s'agisse. Cf. aussi l'idée de tonalité pascalienne de disproportion. Le fondamental, fond sans fond est en excès par rapport à nos capacités finies d'accueil; c'est dans cet excès - йззудщты6ду l' "excès du fondamental" - que la violence va se glisser sur le modèle girardien de la rivalité mimétique.

Autre équivalence métaphorique de la disproportion, celle de la surabondance comm edans la proposition de l'apôtre Paul: "La où le péché abonde, la grâce surabonde". Je retrouve cette idée de surabondeance dans le rapport entre l'amour qui ne compte pas et la justice qui s'exprime dans la juste mesure.

Examinons les conséquences de l'hyptothèse de travail.

1) Il faut renoncer au reve d'une super-rligion. Certes l'idée d'une source de vie qui se fragmente suivant la capacité de réception des vases, évoque bien un sentiment religieuix également fondamental. Accordons même qu'il existe un ou des sentiments religieux aisément transposables ou communicables d'une religion à l'autre. Ainsi le sentiment de dépendance absolu dont parle Schleiermacher, que j'interprète comme la précédence de la parole à toute parole articulée en discours, mais aussi comme l'antériorité d'une énergie créatrice à mon désir. Je parle volontiers, comme P. Tillich, d'une confiance inconditionnelle en dépit de tout démenti du malheur ("Ah, que la vie est belle"), d'un engagement sans restriction en dépit de tout hésitation et de tout doute. Cf. aussi les expressions émotionnelles les plus vives: ladmiration pour la création, l'aspiration aux dons les pklus hauts.. Oui , il y a un sentiment religieux - DES sentiments religieux - à la racine de "l'optatif du bonheur". Il est le point brillant de la face lumineuse du religieux que Kant assimile trop volontiers à la folie religieuse, la Shwärmerei ; c'est la donation qui précède toute captation, la transformation en mencace. Mais la folie est l'indice suprême de beauté du religieux.

Cela acccordé et revendiqué, reste le caractère inappropriable de la sourtce de vie au plan du langage et de l'action. Le vocable schellingien du fond sans fond n'instaure pas une religion déterminée. Selon la triple articulation du symbole fondmental, de la croyance intellectuelle et de la médiation communautaire. A cet égard, l'idée de fond sans fond , de fond en abyme, reste pour l'entendement une idée limite. Et les sentiments eux-mêmes relatif au fondamental n'ont pas laissé de prendre forme dans un cadre de haute culture pour s'y articuler chaque fois différemment dans une "symbolique du bien". Il faut en accepter le verdict: les formes du religieux partagent l'état de dispersion et de confusion des langues et des cultures comme il est dit dans le mythe de Babel. Cette conséquence est l'aveu le plus honnète de l'épreuve de véracité dans le champ de la croyance religieuse. Il est alors tentant d'éluder, et de contourner cet aveu en cherchant dans la sociologie des religions le substitut d'un religieux intégral que le mythe de Babel inviterait à représenter comme un paradis perdu qui n'a jamais existé au plan de l'histoire.

La sociologie des religions voudrait proposer un tableau des religions où toute seraient parcourues du regard et porté au rang d'objet d'observation comme sur des planches d'anthomologie. Il faut dire alors que chacune est annulée en tant qu'engagement personnel et au triple plan considéré en philo de la religion: plan de l'imaginaire symbol, de la croyance intellectuelle, de la pratique communautaire

2) A l'aveu de véracité fait suite un aveu de peplexité. A l'idée de vérité universelle se substituerait l'idée de relativisme radical? Oui et non.
Oui si l'on renonce, comme on le propose ici, à l'idée d'un point de vue absolu, d'un regard de surplomb qui nous est refusé.
Non si on attache à la profession de relativisme celle d'une perspectivisme mobile en vertu duquel je pourrais indifféremment adopter un point de vue religieux ou l'autre.
A l'encontre de ce nomadisme inter-religieux, je soutiens que c'est toujours de quelque part, d'un point d'ancrage, qu'on aperçoit, qu'on entrevoit, qu'on approche en imaginiation et sympathie les conceptions étrangères, dans un mouvement de transfert de proche en proche porté aussi loin que ce mouvement de transgression de mes propres barrières le permet. Cette progresion latérale, de proche en proche, constitue le contraire exact d'une vision de surplomb prétendant embrasser la totalité du champ religieux. Au reste, les plus solides études de socio de la religion se contonnent à une étude spécialisée de telle ou telle religion au risque de n'avoir plus de critère du religieux comme tel. Cette approche scientifique est à la foi la plus modeste et la plus honnète. Mais elle laisse intacte la question de la vérité existentielle - pour chacun et la communauté - de la religion.

Si les ensembles religieux peuvent être comparés à des ensembles linguistiques et culturels (cf. Babel), ne pouvons nous pas invoquer le seul remède connu à la dispercion des langues à savoir la traduction? Le point d'ancrage évoqué plus haut ne rappelle-t-il pas le rapport que nous avons entre notre langue maternelle et les langues étrangères. Là non plus il n'y a pas de langue universelle, néanmoins tout homme paraît capable d'apprendre, outre sa langue, celle d'un pays lointain ou voisin. N'est-ce pas à quelque chose de semblable à cette hospitalité langagière que se conforme la compréhension de proche en proche des croyances religieuses dites étrangères et en général des convictions de toutes sortes dont l'exploration de la croyance religieuses ne constitue qu'un chapitre.

Ultime conséquence (pratique, plus asssurée que les précédente). Au sujet de l'usage quotidien de la tolérnce. La voie de latolérance peut être vue comme une initiation progressive, comme une asciencion ardue.

- Le degré zéro de la tolérance, c'est la tolérance de l'intolérant: je voudrais empêcher, mais je n'en ai pas le pouvoir. On retrouve la violence rivalitaire.

- Second degré: je garde la conviction que c'est moi qui détiens la vérité, mais je vous reconnais par complaisance le droit de professer ce qu je tiens pour faux, au nom du principe de justice: vous avez un droit égal au mien de professer ce que vous croyez. Je reconnais le droit à l'erreur. je suis alors déchiré entre la vérité, que je crois détenir unilatéralement, et le principe de justice. Les principes de vé"rité et de justice sont en balance, et la justice tranche sur la vérité.

- Degré suivant: Mon adversaire a peut-être lui aussi une part de vérité, mais je ne sais pas laquelle.C'est là la version perspectiviste de la tolérance: l'autre voit un côté des chose que je ne peux pas voir, car nos positions sont insubstitutables. Il en va commmme dans ce jardin du bouddhisme zen de Kyoto: 15 pierres osnt posées sur un océan de sable, mais il n'est pas d'angle sous lequel je puisse les embrasser toutes d'un même regard. Il s'agit à ce stade d'une crise de l'idée de vérité , déchirée en elle-même. J'ai dépassé celui du simple conflit entre vérité et justice, je suis entré dans le conflit de la vérité avec elle-même.

- Degré supérieur où pourrait se surmonter la violence: au creux même de ma propre confession, je reconnais qu'il y a un fond que je ne maîtrise ni par le langage, ni par l'émotion, ni par l'action. Je discerne, dans le fond de mon adhésion, une source d'inspiration qui, par son exigence de pensée, sa force de mobilisation pratique, sa générosité emotionnelle excède ma capacité d'accueil et de compréhension. Mais alors, la tolérance arrivée à ce sommet, risque de basculer de l'autre côté de la pente, dans le septicisme: toutes les croyances ne se valent-elles pas? Les différences ne deviennent-elles pas indifférentes? La difficulté est alors de ce tenir sur la ligne de crête où ma conviction est à la fois ancrée dans son sol comme dans sa langue maternelle, mais ouverte latéralement sur les autres croyances, les autres convictions, comme dans le cas des langues étrangères. Il n'est pas facile de se tenir sur cette ligne de crête. Merci.

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samedi 26 février 2005

Retour de l'ordre moral

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En marche chez la nouvelle génération en Russie, cf. l'article de la toute jeunette Anna Lioubimova sur les messages publicitaires et assimilables:

(en russe)
http://www.livejournal.com/users/anna_l/3749.html?mode=reply

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mardi 15 février 2005

slogans

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Artisans, ne restez pas sans voix
(votez entre le 17 février et le 9 mars 2005. Elections Chambres de (sic) Métiers et de l'Artisanat)

La Matmut, elle assure
(страховое агенство, видимо, выуживает клиентов помоложе...)

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lundi 17 janvier 2005

citation du "Siècle" d'Alain Badiou

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"Comme on le sait au moins depuis le Bas-Empire romain, quand la jouissance est ce dont toute vie veut s'assurer et qu'elle vient à la place de l'impératif, ce dont on finit inévitablement par jouir est l'atrocité". (p. 119)

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samedi 15 janvier 2005

mémoire cash? или: по малой нужде

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Commémorations: n'oubliez pas vos devoirs de mémoire!

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